HESSE GORDES RACRANGE

 

EXPULSES DE HESSE… FUSILLES DANS LE VAUCLUSE

LE DESTIN TRAGIQUE DE RENE ET JULIEN MINO

 

Depuis plusieurs décennies, le village vauclusien de Gordes est devenu un des hauts lieux des vacances en Luberon. Villas cossues et résidences avec piscine ont remplacé les masures fatiguées d’antan. Hôtels multi étoilés voisinent avec les brasseries « menu du jour » ou les gargotes de resto rapide.

En quête de parking, les automobilistes traversent la place centrale sans apercevoir le monument érigé en son milieu. Quelques piétons plus curieux s’approchent de la stèle où sont gravés les noms des victimes de ce village martyr de la fin de la dernière guerre.

Deux d’entre eux sont identiques : René et Julien Mino. Malgré une consonance qui pourrait être provençale, ils ne sont ni de Marseille, comme les minots, footballeurs de l’O.M. ni même de Gordes. Les noms de René et de Julien Mino occupent, en effet, la même place sur le monument aux Morts de Hesse que chaque paroissien découvre à la sortie de l’église millénaire.

En 1940, le père, René, cordonnier, son fils et leur famille vivaient dans une maison située aux abords du port du canal. A la mi-novembre, comme une partie du village, ils furent expulsés par les Allemands. Ils avaient préféré l’exil dans ce qui était encore la zone libre, à l’asservissement sous la botte.

Ils furent accueillis à Gordes. D’autres expulsés de Hesse et des environs posèrent leurs valises à Cavaillon, Cadenet, Robion, Pertuis ou Avignon. Au total, le Vaucluse hébergea quelque 5400 « réfugias ». C’est ainsi que les vieux Provençaux les désignaient le plus souvent.

Deux ans plus tard, en occupantla Francejusqu’àla Méditerranée, les Allemands rattrapèrent ceux qui les avaient fuis. L’oppression puis les servitudes qu’ils firent peu à peu peser, élargirent les rangs d’une résistance longtemps embryonnaire. Le Service Obligatoire du Travail, destiné à expédier outre-Rhin, les ouvriers réclamés par les usines d’armement, jeta dans les bois des récalcitrants de plus en plus nombreux. Dans le Vaucluse, les pentes du Mont Ventoux et les fermes isolées du Luberon virent apparaître plusieurs maquis. Pour survivre, ces jeunes avaient besoin d’une intendance ainsi que nous l’a expliqué Georges Arnaud, le président des anciens résistants du canton qui réside aujourd’hui à Murs : « J’étais l’un des maquisards du Ventoux. Nous n’aurions jamais subsisté sans le soutien des gens de l’Armée Secrète. C’est à travers elle que j’ai connu René Mino. Il faisait partie de ces courageux qui venaient nous ravitailler en nous apportant les denrées cédées le plus souvent par les paysans des alentours. »

Alors âgé de 44 ans, exerçant toujours son métier de cordonnier, René Mino, du moins le suppose-t-on, disposait là d’une couverture discrète qui lui permettait de garder le contact avec les membres de son réseau .

 

DENONCIATRICE

 

Sans doute son fils Julien le savait-il. Pour suivre l’exemple paternel et satisfaire son envie de servir, il rallia un des maquis voisins, celui de la ferme Gaillaut, sur les hauteurs de Saint Saturnin les Apt. A 17 ans, il lui fallut encore convaincre Paul Nouveau, le chef de la section « Koenig », de son envie de régler leur compte à ces Allemands qui l’avaient chassé de son village.

C’est dans ce camp de Gayéoux (en Provençal) que se trama le premier épisode du drame qui coûta la vie aux Mino père et fils. A son origine, une certaine inconscience vis-à-vis de la principale protagoniste, une jeune Polonaise de 17 ans, Cécile Biankowski, en rupture de famille. Venue dans le Vaucluse pour y trouver un emploi saisonnier, elle devint serveuse de restaurant d’abord à Cavaillon puis à Gordes. Elle rencontra ainsi certains résistants. Surprise ensuite en compagnie de personnages suspects, elle finit par être conduite au camp de Gayéoux. Interrogée par Paul Nouveau, elle parvint à se disculper. Pendant plusieurs jours, elle se mit au service des maquisards en participant même aux ravitaillements dans les villages voisins.

Au bout de deux semaines, on préféra la laisser retourner à sa vie de serveuse. Après un passage à Gordes où l’attendait une liaison amoureuse, elle voulut regagner Cavaillon en auto-stop.

Une voiture, occupée par trois hommes armés, la chargea. Ils appartenaient à un détachement de la 8e Compagnie du 2e Bataillon dela Division Brandebourg, une unité de l’Abwer, le service secret dela Wehrmacht. Leur P.C. était installé à Cavaillon, à l’hôtel « Splendid » de triste mémoire.

Cette troupe cosmopolite, mais parlant parfaitement le français, usait de toutes les ruses pour confondre les résistants. Avec une férocité sans cesse accrue par l’évidence de la défaite.

Ramenée au « Splendid », la serveuse révèle d’emblée son séjour parmi les maquisards de Saint Saturnin-les-Apt. On est à la veille du 1e Juillet 1944. Le même soir, une troupe regroupant miliciens français et supplétifs italiens, belges et même luxembourgeois, appuyée par des soldats dela Wehrmacht, se dirige vers une proie qui ne les attend pas. Ils laisseront derrière eux une série de victimes, abattues dans leur fuite ou fusillées délibérément. Partout, c’est le carnage. A Boucanes puis à Gayéoux, à Savouillon ou à la ferme de Berre. Une fermière âgée et innocente, Blanche Gaillard, est exécutée sans la moindre pitié. Peu après, Paulette Nouveau, l’épouse du chef maquisard, tombe à son tour.

Pour deux historiens de cette époque, Gaston Rey et Georges Arnaud, Julien Mino échappa au massacre. Il n’était pas à la ferme de Gayéoux mais avec un autre groupe qui occupait le poste excentré de Pétouchéou. Il parvint à s’échapper pour se réfugier ensuite chez ses parents à Gordes.

 

QUI A ENCORE PARLE ?

 

Que se passa-t-il alors ? Pourquoi les sbires du « Splendid » débarquèrent-ils, le 7 Juillet, à Gordes pour y arrêter René et Julien Mino ? Avaient-ils eu besoin d’une petite semaine pour exploiter toutes les révélations de la serveuse Cécile Biancowski ? Quel fut le rôle d’un certain « Max », autre réfugié ou expulsé qui à Saint Saturnin, révéla les lieux des caches d’armes de la section « Koenig ». Il fut d’ailleurs exécuté comme traître àla Libération.Quià Gordes connaissait le rôle du cordonnier. Qui a parlé ? Pour Gaston Rey, l’un des historiens résistants, les deux Lorrains furent bien victimes de nouvelles dénonciations.

Madame Yvonne Christ, la sœur de Julien, qui réside aujourd’hui à Bénestroff, croit d’abord que les deux arrestation sont liées au séjour de son frère dans le maquis : « Il n’y est d’ailleurs pas resté très longtemps. J’étais encore une gamine de douze ans qui ne comprenait et ne savait pas tout. Toutefois, mon frère avait bien échappé à l’attaque de Saint Saturnin les Apt. J’ai su aussi que mon père était en rapport avec la Gendarmerie pour ses contacts avec le maquis. Pour le reste, je me souviens que la descente des Allemands à notre domicile a eu lieu au début de la nuit. J’étais d’ailleurs déjà couchée. » 

Les deux Lorrains furent roués de coup devant la mère de famille et ses deux filles dont la plus jeune avait à peine un an. Georges, le frère aîné, vivait alors caché après s’être enfui des Chantiers de Jeunesse, instaurés par le gouvernement de Vichy.

Ce soir-là, un autre habitant de Gordes, le restaurateur Emile Charreton subit le même sort. Son établissement et sa cave furent saccagés et pillés sous les yeux de son épouse et de sa fille âgée de 7ans ! Comme René Mino, il ravitaillait les maquis du Vaucluse. Cette double opération contre des résistants dont la mission était identique, inclinerait à penser que les bourreaux du « Splendid » s’intéressaient aussi, et peut-être d’abord, au démantèlement du réseau de soutien des maquis. Une entreprise qui avait débuté quelques jours plus tôt avec l’arrestation d’un troisième membre de l’Armée Secrète, Charles Coeurdacier. Dès lors, le malheur de Julien Mino ne fut-il pas d’avoir été présent quand les SS frappèrent à la porte de ses parents ?     

Dès le soir de cette funeste journée du 7 Juillet, René et Julien Mino furent dirigés vers Cavaillon et le « Splendid ». Ils y furent encore torturés. Leur séjour fut de courte durée. Le 9 Juillet au petit matin, leurs corps tuméfiés et difficilement reconnaissables furent retrouvés avec ceux de plusieurs autres résistants, dans une vigne proche de Villelaure. Peu après la fusillade, des habitants du village s’approchèrent et découvrirent le massacre. Parmi eux, deux habitantes de Hesse, Augustine Leclère et Alice Oliger. Julien était allongé la tête au pied d’un plan de vigne. Son père gisait à deux pas de là. Comme Gordes, Hesse se doit de ne pas oublier.

Aujourd’hui, les dépouilles de René et Julien Mino reposent au cimetière de Racrange où la famille s’était fixée après son retour d’expulsion.

 

Au fil des mois qui précédèrentla Libération, d’autres découvertes, aussi macabres, firent régner une terreur sadique sur toutela Provence.  AGordes encore, le 22 Août, à la suite de  l’accrochage d’un détachement allemand, plusieurs maisons furent incendiées et  douze malheureux habitants exécutés. 

Le 24 Août, les Américains rentraient à Cavaillon. Quelques jours plus tard, tout le Vaucluse était libéré.

La réplique qui suivit cette Libération  fut également implacable. D’autres cadavres, ceux de la trahison ou de la collaboration, furent relevés au fond d’un bois, dans une carrière, derrière une haie, devant un mur.

Le 13 Septembre 1944, Cécile Biankowski, la dénonciatrice, fut exécutée devant le monument aux Morts de Gordes. Paul Nouveau dont l’épouse avait été passée par les armes à Saint Saturnin les Apt, commandait le peloton d’exécution où figuraient son fils ainsi que Georges Mino, le frère aîné de la famille..

Le 3 Septembre, au milieu d’une escorte vociférante, accompagné de mon frère Edouard, j’avais suivi « Jo la mitraille », de son vrai nom, Georges Grandchamp, mâchoire pendante et nus pieds. Il était l’une des sombres figures de la bande du « Splendid ». Quand il tomba devant le cimetière de Cavaillon, la foule applaudit.

                                                                                                                           

                                                                                                                                                                                                                                    André Isch.

 

René Mino était né à Hesse le 27 Avril 1900. Il était le fils de Dominique Mino, né en Italie et d’Anne Christmann. Il avait un frère né en 1909 : Julien et une sœur : Olga, née en 1901.

Son fils, Julien Mino, était né à Hesse, le 12 Avril 1927.

 

Mme MINO est née MONSEL Eugénie à Racrange le 01/12/1904 est elle est décédée le 30/10/1977.

 

PUBLIE SUR NOTRE SITE AVEC L'AUTORISATION DE M. ISCH